LMS MAGAZINE - n°15
par Mme Lumeau

Arman, poète du nouveau réalisme

Arman, ce grand artiste contemporain, vit à New York depuis 42 ans. Chaque été, il passe deux mois dans sa villa de Vence, une opportunité de le rencontrer à la Galerie Artsoum spécialiste de l’œuvre Arman.
Il arrive à l’heure dite, lunettes noires aux yeux, sourire léger aux lèvres, sarcastique et amusé, sans jamais se défaire d’une bonhomie trompeuse.

LMS News : Pensez-vous, Arman que la vie new-yorkaise est propice à la création ?

Arman : Quand je suis arrivé, il y a 42 ans, le contraste était flagrant avec la France qui était alors le pays de la Belle au Bois Dormant. New York était en pleine effervescence créatrice aujourd’hui, c’est sans doute un peu moins vrai. La ville américaine a conservé une place très importante pour le marché, quant à la création…

LMS News : Avez-vous des regrets du temps de l’Ecole de Nice ?

Arman : L’école de Nice n’est pas un phénomène important. Vous savez, à l’époque , il suffisait d’être un artiste et d’habiter la région niçoise pour appartenir à l’école de Nice. J’en connais même qui ont déménagé ! Non, Yves Klein, Marcel Raysse et moi étions de jeunes loups, et avec Pierre Restany nous avons fondé le Nouveau-réalisme, voilà quelque chose d’important. Un jour, Claude Rivière, un journaliste de « Combat » a posé la question : «Y-a-t-il une école de Nice ? », Sacha Sosno, qui était à l’époque journaliste, a répondu, et moi, comme je suis bon camarade, j’ai accepté de faire l’affiche mais cela ne va pas plus loin. Seul Ben a eu un rôle important. Il a joué le rôle d’informateur, et toute la jeunesse se renseignait chez lui sur les tendances de l’art contemporain.

LMS News : Vous avez déclaré, il n’y a pas si longtemps à Nice : « Quand on est artiste, on commence escroc, on finit héro ». Que vouliez-vous dire ?

Arman : Quand on a 18 ans et que l’on prétend « je suis peintre », on affirme quelque chose de faux puisque l’on ne l’est pas encore. L’art, c’est comme la guerre, si on résiste assez longtemps on finit colonel. Seulement dans l’art il n’y a pas de prisonnier, on passe à la trappe pour l’éternité. Seul 1/20 000 sera un héros.

LMS News : Vous sentez-vous chef de file des artistes d’aujourd’hui ?

Arman : Beaucoup d’artistes se sont inspirés de ce que j’ai fait. Tony Gragg et Damlan Hirst en sont des exemples concrets. J’ai une anecdote à ce sujet. Lors d’une de mes dernières expos à New York toute la presse a applaudi, mais un journaliste du New York Post a écrit que j’étais très influencé par Damlan Hirst, alors que certaines pièces présentes ont été réalisées en 69 – 70 et je crois qu’il n’était pas né. C’est amusant, non ?

LMS News : Quel regard posez-vous sur l’art aujourd’hui ?

Arman : Comme toujours, il y a une large distance entre ce qui est créé en 2003 et ce qui est absorbé par le public. L’art n’est pas grand public comme le sport ou la télé, et d’ailleurs, vu le peu d’éducation qu’il reçoit sur le sujet, je ne vois pas pourquoi le public s’y intéresserait davantage. L’art s’adresse à une minorité, cela a toujours été ainsi.

LMS News : Et pourtant, ne pensez-vous pas que l’art puisse aider les populations de certains pays à se protéger de l’intégrisme des violences, et… ?

Arman : Non, c’est le contraire qui se passe. Et la puissance de l’art est détournée au profit d’idéologies.

LMS News : Un exemple ?

Arman : Cela s’est vu en Russie après le congrès du parti communiste de 1922 qui a décrété que l’art devait être au service du peuple et des ouvriers. Vous savez, il n’y a pas si longtemps, j’ai écrit une lettre parue dans le Figaro, intitulée « Merci Molla Omar » Ils avaient dynamité les deux bouddhas en Afghanistan. C’était à l’époque où la France voulait renvoyer des objet culturels en Afrique, qui étaient alors pillés, concassés, ils sont mieux dans les musées. Toutes les religions ont des bons et des mauvais côtés, mais il y a aussi des intégristes dans toutes les religions, juifs, bouddhistes, musulmans, chrétiens. L’art est surtout réservé à ceux qui veulent aller le voir et c’est une minorité.

LMS News : Etes- vous sensible aux grands problèmes de la Terre ?

Arman : L’homme est le seul animal qui a réussi à détruire son biotope. Et la seule raison qui justifie ce désastre, c’est le profit. N’est-ce pas stupide ? Les grandes compagnies agroalimentaires, surtout aux U.S.A. ont fait n’importe quoi au nom du profit. Quand vous imaginez que les graines des cultures trans-géniques sont stériles, ce qui oblige les paysans à acheter chaque année de nouvelles semences, c’est un crime commercial.

LMS News : Parlez-nous de littérature.

Arman : J’aime beaucoup la littérature, j’ai lu les classiques lorsque j’étais jeune, avec un penchant vers la poésie. Mais la poésie que j’aime est une poésie exigeante telle Raimbaud, Baudelaire, Nerval, Voltaire, Eluard. Je lis aussi de nombreuses biographies d’hommes politiques, d’artistes. Je lis actuellement une biographie de Proust et je viens d’en terminer une excellente d’ Alexandre Dumas.

LMS News : Comment se passe une de vos journées ?

Arman : Je me lève à 9h30. Déjeuner, journaux, je passe un moment à faire des jumble, puis un peu de gymnastique avant mon premier rendez-vous professionnel à 11h30. Il s’agit d’un photographe ou d’une expo à préparer. Puis je vais à l’atelier à New-York comme à Vence, je travaille en continuité grâce à mes assistants. Je déjeune un jour sur deux, parfois à l’extérieur. Je retourne à la préparation du travail avant mes rendez-vous de l’après midi. A 18h sieste, puis dîner à la maison ou à l’extérieur. A minuit, je me change puis j’écris, je regarde la télé et lis jusqu’à 2h30-3h.

LMS News : Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

Arman : Je prépare une expo « Papiers Peints » C’ est une technique employant un carton extrêmement résistant qu’on utilise en papier mâché. Le résultat est intéressant, avec de l ‘encre et de l’eau.

LMS News. : Etes-vous content de votre carrière ?

Arman : Il est possible d’être satisfait de sa journée, pas de sa carrière !

LMS News : Quel regard posez-vous sur les femmes ?

Arman : J’ ai été marié deux fois, j’ai six enfants et j’ai toujours aimé établir des relations, quelques fois même plusieurs grandes relations en même temps, ce qui est difficile à vivre.
Les hommes sont si lâches, les femmes dures et courageuses. Il ne faut jamais être en conflit avec une femme car on ne s’en sortira pas facilement.

LMS News : Etes-vous heureux ?

Arman : (réflexion) Souvent, oui, je suis heureux. Cela me rappelle une histoire du chevalier qui rentre de la guerre et à qui son épouse demande, « M’avez-vous été fidèle mon ami », « Souvent, Madame, souvent. »

Soumya Benjeddir, directrice de Artsoum art contemporain, est une femme inspirée.
De sa rencontre avec Arman en 1997, elle devient spécialiste de son œuvre.
Sa galerie, au 1er étage du 11 de la rue Rivoli, est un modèle de charme et de bon goût. On aimerait bien sûr s’offrir ces pièces uniques du grand artiste américain, cependant, il nous est agréable de découvrir l’œuvre d’artistes contemporains de bon niveau, telle cette exposition photographique de Caroline Challan Belval. Des femmes d’aujourd’hui ont enserré leur nudité dans des armures protectrices, destructrices ? Ces photographies grandeur nature nous interpellent sur ce cheminement étrange de la liberté, de la soumission, des carcans volontaires ou imposés, des siècles passés et de l’avenir incertain. C’est beau et étrange, comme la nudité des femmes.



 

 

ARTSOUM - Art Contemporain - 11 rue de Rivoli-06000 Nice. France
Tél./Fax : 33 (0)4 93 16 94 75. Cellular : 33 (0)6 15 83 32 56 - Site : www.artsoum.com / Email : artsoum@club-internet.fr

Nous Contacter - Uniquement sur rendez-vous